Les artisans de la pierre

Civilisations sans métal, les sociétés précolombiennes en restent aux techniques du néolithique européen, disparues sur le Vieux Continent depuis 3 millénaires. Les artisans de la pierre demeurent les seuls grands créateurs.

Si le bronze apparaît en Europe vers 2000 avant J.-C., le fer aux environs de 1000 avant notre ère, celui-ci ne sera apporté par Christophe Colomb qu’en 1492, deux millénaires et demi plus tard !

Ce retard dans la technique du métal n’empêche cependant pas la création de chefs-d’œuvre de construction. Toute pierre se travaille sans métal, par des procédés primitifs d’usure… à condition d’y mettre le temps. Le jade, très dur, si prisé des Olmèques industrieux, se coupe avec une ficelle utilisée comme scie et du sable mouillé.

 Chez les Incas, on débite les gros blocs en y creusant des mortaises alignées : ce sont des entailles où on loge des tenons de bois humidifiés qui feront éclater la pierre. Les constructeurs toltèques de Tula utilisent des tenons et des mortaises qui s’emboîtent, comme les constructeurs des grands mégalithes de Stonehenge, près de Salisbury (Angleterre). Des pierres, même de plusieurs tonnes, s’ajustent parfaitement, à condition d’user les futures surfaces de contact avec un grès utilisé comme meule. Le plus dur basalte, le cristal de roche lui-même, s’use par piquetage avec un burin de quartz et un maillet. Le polissage terminal assure une finition parfaite. Un des chefs-d’œuvre de l’art aztèque n’est-il pas une terrifiante tête de mort, merveilleusement sculptée et polie dans un bloc de cristal de roche ?

Pour travailler des matériaux plus communs et plus aisés – le bois, l’os -, on peut utiliser des roches plus courantes. Tel est le silex en Europe, l’obsidienne aux Amériques, exploités dans des fosses ou des carrières à ciel ouvert, véritables entreprises collectives. L’obsidienne donnera naissance à des échanges suivis, d’abord sous forme de troc, puis commerce véritable. Elle sera le symbole durable du travail de la pierre en Amérique.

Tous les corps de métiers sont réunis sur le chantier maya de Palenque pour l’édification du palais, vers l’an 800 (Charlemagne règne alors à Aix-la-Chapelle) : architectes, tailleurs de pierre, charpentiers, sculpteurs de stuc…

 

 

Sur les flancs d’un volcan dégageant encore des fumerolles, près du Popocatepeti, une expédition arrache et débite des blocs d’obsidienne ; c’est un verre volcanique noir, dur et brillant, qui se taille très facilement. Les blocs sont évacués par des filets portés à l’aide d’un bandeau frontal.

Le jade, pierre de couleur vert tendre, est un matériau sacré chez les Olmèques, Statues, masques, bijoux, pendeloques sont en jade. Très dur, il est scié au moyen d’une ficelle qui va et vient, creusant une rainure humidifiée et sablée au fur et à mesure.

 

 

Le monde précolombien ignore le métal, hormis l’or et l’argent réservés aux parures princières. On vit toujours à l’heure néolithique. L’artisan creuse et piquète un bloc de basalte avec un maillet de bois et un ciseau en quartz. Il réalise une « métate », indispensable pour écraser le maïs.

Les Olmèques de l’îlot de La Venta utilisent la même technique néolithique pour sculpter cette tête monumentale de plus de 2 mètres et pesant 20 tonnes. A l’arrière-plan, des hommes débarquent d’un radeau de balsa un bloc brut de basalte, provenant d’une carrière située à 40 kilomètres.

 

Peu avant l’an 1000, les Toltèques dressent cet Atlante, représentent le dieu Quetzalcoatl et support de leur temple. L’entrée sera ornée de deux colonnes, au décor de « serpent à plumes ». Un maître artisan dégage le tenon qui va s’incruster dans la mortaise du tambour voisin.